Nous nous sommes réunis pour une Journée d’étude dédiée à Symon Petlura, Commandant suprême de l'Armée et le troisième Président de la République populaire ukrainienne (1917-1921).
Cette année nous marquons le 140e anniversaire de sa naissance. Cette date est inscrite dans le Calendrier des dates commémoratives du Parlement ukrainien.
Pour commencer à parler de Symon Petlura il faut tout d’abord dire qu’il était quelqu’un qui a eu le courage de prendre les rênes d’un jeune Etat dans la période difficile de sa construction. Elle se déroulait, en plus, sous la menace des invasions extérieures.
C’est à lui que nous devons la création de la première Armée nationale ukrainienne. En tant que chef militaire, il a su dévoiler ses meilleures qualités de leader de la nation – le sens du sacrifice, la volonté inébranlable et le don de parler aux larges masses populaires.
Il faut aussi admettre que Petlura s’est montré l’homme politique de l’époque le plus intransigeant dans la lutte pour l'indépendance et la souveraineté de l’État ukrainien.
Il était aussi celui qui, au début du XXe siècle, avait déjà explicitement déclaré que le choix de l'Ukraine était le choix européen. Il soulignait que toute union avec la Russie - une fédération, une confédération ou une autonomie - est dangereuse et inacceptable pour l'Ukraine.
Que ce soit monarchie ou communisme, l'essence du pouvoir russe ne change pas. Il reste impérialiste. Dans ses publications Petlura a essayé de faire comprendre à la communauté internationale que sous les slogans communistes, sous l'enveloppe communiste, le fantôme de la vieille Russie impériale et tsariste était caché.
Dans ce sens, je crois que cette tâche incombe aussi au service diplomatique ukrainien actuel de révéler la vraie nature de l’Etat russe de Poutine.
Je me réjouis que le thème de cette Journée d’étude s’articule autour de l’activité de Symon Petlura dans le domaine des relations internationales en tant que chef de l’Etat ukrainien en exile.
Symon Petlura arrive à Paris en octobre 1924. La France a toujours été pour lui le symbole de la liberté et des Droits de l’Homme. Il y dirige le gouvernement ukrainien en exil et s’attache à réaliser l’unité de l’émigration ukrainienne. Il continue de lutter pour l'indépendance de l'Ukraine, publie plusieurs journaux et magazines, notamment l’hebdomadaire Tryzub (Trident).
Il était un des pionniers de la « diplomatie culturelle ». Il rêvait de créer «un centre culturel ukrainien» à Paris pour faire promouvoir le patrimoine culturel ukrainien, ses racines européennes.
Dans un de ses articles, il écrivait : « Notre place est en Europe… Oui, nous sommes européens territorialement, physiquement, psychologiquement. Nous sommes européens par notre conception du monde et par nos traditions héritées de nos ancêtres. Partout en Europe il y a les traces de nos liens étroits avec l’Occident… Il est clair que l’émigration ukrainienne a un rôle culturel important à jouer. Elle doit assimiler les langues et s’imprégner de la culture de l’Europe occidentale… Mais s’abreuver d’eau vive au puits de la culture européenne n’est pas suffisant, elle a un autre devoir qui n’est pas facile à réaliser, celui de faire connaître à l’Occident notre contribution au patrimoine mondial par nos acquis dans les domaines des sciences, de la littérature et des arts. Nous devons retrouver notre place en Europe.… Nous devons réfléchir sérieusement aux moyens d’y parvenir » (Journal Tryzub, n° 14, 17 janvier 1926).
Ainsi, une Bibliothèque ukrainienne qui porte son nom a été créé à Paris. Cette Bibliothèque restait durant des années gardienne de la mémoire de Symon Petlura et foyer de la culture ukrainienne. Je remercie vivement la Bibliothèque Symon Petlura, sa Directrice Ярослава Йосипишин, Mme Дар’я Мельникович, pour la collaboration dans le cadre de cette Journée commémorative et d’étude.
Nous sommes ce soir au Centre culturel ukrainien. Donc, on peut dire, que ce rêve de Symon Petlura a été réalisé.
Je voudrai terminer en soulignant cela :
En tant que personne ayant des connaissances profondes, Symon Petlura avait un certain don de clairvoyance. Tout ce qu'il a écrit dans les années 20 du siècle dernier reste aujourd'hui pertinent pour la construction de notre État. Il croyait fermement que l’État indépendant ukrainien sera un jour créé. Mais il était lucide du legs du passé soviétique que cet Etat recevra et qui perturbera fortement son développement.
L’héritage intellectuel de Petlura n’est pas encore amplement assimilé par les Ukrainiens eux-mêmes, n’est pas suffisamment connu par les milieux scientifiques de l’Occident. Il doit être étudié plus profondément.